DE L'AIR ET DE L'ESPACE
Le dimanche 7 mai 2023, par christophe simoni
C'est en février 1985 que je vais effectuer mon service militaire à Luxeuil-les-bains pendant cinq semaines. Il est encore à l'époque obligatoire. Luxeuil est un site hautement stratégique et une base aérienne dans les Vosges pas loin de Besançon. L'on ne transige pas sur la sécurité avec les avions de chasse ou les bombardiers. Les classes se déroulent bien. Sans me faire vraiment remarquer, je suis un élément stable sans problème particulier. Les locaux qui nous abritent sont très corrects, ce sont des chambres de quatre que l'on doit tous les jours rendre impeccable dans l'unique pièce où nous dormons, les trois autres appellés et moi. Nos lits sont faits au carré, comme l'on nous l'a apprit. Deux officiers, tous les jours, viennent inspecter les lieux; La discipline, et l'ordre sont notre soucis. Il existe un détail particulièrement important, qu'il faut souligner concernant les officiers qui nous encadrent. Contrairement aux autres corps d'armées, dans l'armée de l'air, les officiers ont un métier. Ils n'encadrent pas les appellés, tout au long de l'année, pendant toute leur carrière, c'est imposé, évidemment mais ça donne plus de compétence et compte dans le bilan pour leur retraite. Je n'irai pas jusqu'à dire que ce détail les rends plus décontracté, je n'étais pas officier, mais en tout cas, ils sont ouvert et l'on peut discuter car pour eux la formation, c'est un parcours de confiance et de formation adulte/adulte. Il faut arrêter de croire qu'ils prennent les soldats comme des numéros, des produits, ou de la chair à canon, c'est faux. Ils ont de la considération pour chacun et former un bon élément reste primordial et quand l'on s'engage, c'est pour défendre son pays et revenir du front vivant. Les quatre pieds nickelés qui sont regroupés dans la chambre sont sympathiques. L'un est d'origine Guadeloupéenne, il habite Ozoir la Ferrière, dans la banlieue de Paris, petit et extrèmement musclés, il a des bras, l'on dirait mes cuisses et des mollets que l'on n'imagine gonflés à l'hélium. Ils jouent très bien au football, il bat tout le monde et marques des buts comme pas un. Mais il n'admettra jamais qu'il soulève aussi de la fonte pour gagner en muscle et tout le monde ne le croit vraiment. De toutes les façons, il finit par sa gouaille par emporter la partie. Un autre habite à 40 kilomètres de la base, près de Vesoul, il est agriculteur, fait de la chasse et connait bien les animaux et les forêts bien plus que les trois autres citadins. Pendant, ses soirées du samedi soir, il regarde des films pornos avec son beau-frère. Le troisième est originaire de Lyon avec un profil de petit pistonné, il est nerveux, sportif et dispose d'une haute estime de lui et il a parfois ses heures, toutefois, il peut devenir humble. Et puis, il y a moi, celui que l'on croise et qui n'existe pas.
Course à pied
Il demeure d'ailleurs un épisode qui est particulièrement étonnant qui revient à ma mémoire. Un jour, nous devons faire le tour de la base aérienne en courant, la piste fait 17 kilomètres et c'est une sorte de course à pied obligatoire. Je me dis très vite comment aborder le problème; je sais que si je pars à toute vitesse, je ne finirai pas la course, sauf avec une fatigue qui me condamne à stopper ou en boittant car l'effort aurait été trop important. Au moment du départ, il y a un appelé de grande taille, j'ai entendu parfois quelques moqueries qui le ciblait en particulier, sa taille faisait que certains ricanneurs de service l'ont surnommés "Averel" comme le plus grand des Daltons dans la bande déssinée "Lucky Luke". Je me rapproche de lui et je lui propose de faire la course ensemble en binôme et à notre rythme. Une foulée très lente mais qui ne va pas nous essoufler l'un et l'autre et surtout, il faut tenir le plus longtemps possible et dans de bonnes conditions avec une distance qui reste importante. Alors que les autres courreurs sont sur le départ et bien sûr, bien plus rapide au tout début, il y a une autre raison de ce choix pour faire la course à deux, c'est d'éviter de ne pas s'ennuyer pendant le trajet. Ainsi, nous courrons suffisament lentement pour pouvoir discuter en même temps. Après le départ, nous trouvons notre allure de croisière et nous discutons, avec ce qui nous anime dans nos vies sans chercher à trop en raconter. Il évoque des tas de sujets très intéressants et parfois plus inquiétants comme la fabrication d'explosifs avec des tas de produits que l'on peut trouver dans le commerce. Et puis, également d'autres sujets, tous concernant des bombes domestiques. Je le trouve intelligent contrairement à ce que l'on cherche à vouloir faire croire et il est distrayant et astucieux avec toutes ses histoires et l'ont ne voient pas les kilomètres qui défilent avec notre petite foulée, doucement, tranquilement mais sûrement car déjà, l'ont commencent a dépasser, ceux se prenant pour des atlètes en étend parti au quart de tour; sur les chapeaux de roues, si l'on peut dire. Notre parcours s'achève et nous n'avons pas à pâlir de notre course car peu de fatigue au final nous aura accompagné jusqu'à l'arrivée et l'on se connait désormais mieux et nous avons terminés la course devant beaucoup d'autres et ça n'appartient qu'à ma stratégie et à la persuasion dont j'ai fais preuve, face à l'exercice de "la course imposée".
Période de GRI
Le GRI représente une période pour les appelés du contingent de quelques semaines. Elle consiste à Contrexeville de "garder" des sites sensibles disséminés tout autour de la base dans des miradors ou à l'entrée de blockaus. Une sorte de garde permanente dans des endroits hautements sécurisés et il n'est pas envisageable de ne pas bien faire la tâche qui nous incombe avec cette période en alternance de 24 heures de garde et 24 heures de repos, avec l'occasion de faire du sport. Les officiers nous encadrent et c'est plutôt difficile de les suivre pendant la course de quelques kilomètres sur les routes de Contrexeville à Vittel et de ces environs. Ils nous font vivre une activité forte et intense alors qu'eux sont très entraînés bien qu'avec notre jeune âge, nous devrions être meilleur.
VSL
Au préalable, en devançant mon service militaire, j'avais choisis de signer un contrat qui m'engageait sur une période de dix-huit mois au lieu de douze, en revanche, je pouvais choisir mon lieu d'affectation une fois "les classes" terminés. Cette formule ayant pour nom le "VSL" (Volontaire Service Long) J'avais bien sûr choisi comme lieu: Paris. Après les classes, donc, devant une rangée de gradés, un général m'explique qu'il m'est impossible d'éffectuer mon service militaire dans la capitale. Dépité, j'ai toutefois, le choix entre rester à Luxeuil ou partir à Contrexeville. Sachant que Luxeuil la discipline est stricte et la base de Contrexeville, plus calme; j'opte pour Contrexeville et ils acceptent. Très vite, je pars dans cette base, toujours dans les Vosges et proche de la frontière avec l'Allemagne. L'ambiance n'y est pas désagréable, je m'entends bien avec tout le monde et je fais la connaissance d'Anthony Rossi qui lui vient de la Nièvre, près de Nevers. Dans la base, la perspective de rester encore plus d'un an, sur place me pose problème. Lors d'une permission, je retourne à Paris et je fais part à mes parents de mon intention de déserter pour être réformé et c'est apprécié très difficilement, c'est le moins que l'on puisse dire. Pour autant, je retourne à la base et puis la météorologie s'arrange, il fait moins froid, les jours s'allongent et j'oublis de donner des nouvelles à Paris.
Inquiétude Parisienne
Ma mère s'inquiète et téléphone dans les Vosges et s'entretient avec un major des commandos de l'air, dont je dépends selon ma fonction car je suis affecté, à ce que l'on appel, le GRI. Lors de l'appel téléphonique à la base par maman, je ne saurais jamais vraiment le contenu de la conversation, entre ma mère et l'officier mais de toute évidence et l'a connaissant, elle doit s'inquièter sur mes projets de désertion que j'avais envisagé lors de ma permission. A la suite de cette discussion, le major me convoque et ayant une sorte de fulgurance, une intime conviction, je comprends très vite ce qu'il en retourne, c'est l'occasion pour moi de "jouer" les introvertis et je triture ma casquette dans mes mains et mon regard est fuyant, comme pas très rassuré avec une voix inquiéte et je répond, timidement aux questions en rafale. J'explique que je ne m'entends pas très bien avec les autres appelés du contingent et qu'ils parlent de voitures ou de football et il a l'air de comprendre que je suis un inadapté. L'entretien s'achève et j'apprends que nous allons un groupe de soldats et moi, faire aussitôt des exercices de marche. Demi tour à droite et je tourne à gauche, je suis seul et le major n'a rien perdu de l'observation du peloton du haut du bâtiment où se trouve son bureau. Dans la matinée à nouveau, j'ai un entretien avec un médecin, j'essaye d'être aussi bon voire meilleure encore. Dans l'après-midi, un appelé m'accompagne en voiture à l'hôpital de Metz, je joue encore mon rôle, car, il n'est pas question d'être prit en défaut. C'est primordial pour moi, cette occasion de pouvoir être réformé et cette opportunité m'apparait comme inespéré et je sais ce qui m'attend à Metz, en tous cas, je tente de l'imaginer et gouverner c'est prévoir. Arriver là-bas, j'intégre une chambre où est présent un fils d'agriculteur, il m'explique que son père à besoin de lui pour participer encore au travail de l'exploitation agricole et il doit être réformer, c'est pour lui, essentiel. C'est peut être faux mais ce n'est pas si grave. Je végète pendant 48 heures sans voir de médecin et je m'informe en interrogeant les "têtes brulés" que j'avais rencontré à Contrexeville et qui sont tombés ici avant moi. Pour la plupart des délinquants consommateurs de drogues ou sinon, revendeur. La drogue en dehors de quelques tests m'est partiellement étrangére, mais c'est aussi un bon allié, à faire valoir pour la réforme, c'est pourquoi, je m'informe sur les prix, sur les quantités, les grammes de la cocaïne en particulier. Lors d'un entretien avec cinq médecins appelés d'une trentaine d'années, l'on m'interroge, c'est difficile mais je maîtrise, si je peux dire, le sujet, malgré le fait que je ne le connaisse que très peu. Plus tard, j'apprend que je suis réformé, désigné Psychiatrie Quatre. P4. Satisfait, je retourne à la base pour récupérer mes affaires et rendre mon paquetage et j'essaye de refourguer un treillis de l'Otan, acheté aux puces de Saint-Ouen, contre un pantalon de combat de l'armée française et un officier s'en rend compte et me demande des explications. Je passe in extremis, en allant chercher aussitôt le treillis français, ouf, il était moins une... Je risquais des graves complications. Retour pour Paris.
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