Harem
Ne doit pas être confondu avec Haram ou Herem.
Un harem (arabe : حريم, « harem » ou « gynécée ») désigne à la fois la suite de femmes (concubines ou simples « beautés ») qui entouraient un personnage important et leur lieu de résidence. Par extension, le terme est aussi utilisé pour d'autres civilisations, comme l'Égypte ancienne ou la Chine impériale.
Présentation
Au sens oriental, « harem » est synonyme de « interdit aux hommes ». En effet, le terme dérive du mot harâm qui désigne ce qui est illicite, interdit, prohibé par la religion musulmane. Son antonyme est halâl, c'est-à-dire ce qui est permis par la religion. Les deux termes appartiennent au hudûd, catégorie de peines selon la charia qui fixe les limites entre ce qui est permis et ce qui est interdit.
Les harems étaient présents dans de nombreuses civilisations antiques. Les derniers grands harems (ceux que désigne le terme en particulier) sont les harems des sultans et pachas de l'Empire ottoman. En présence du sultan, les femmes étaient tenues de parler à voix basse et elles devaient communiquer par signes. Le harem était un univers clos où les femmes étaient propriété du sultan. Pourtant, une partie des captives, une fois en âge de se marier, sortaient du sérail pour s'unir à des officiers de l'Empire. Comme elles étaient éduquées, elles pouvaient avoir un rôle d'« enseignantes » auprès des autres femmes. Les favorites ou les concubines mères d'un fils héritier devaient passer toute leur vie dans le harem.
Le sérail était aussi une école, un centre de formation. Certains soutiennent que les femmes étudiaient la langue ottomane, la couture, la cuisine, mais aussi l'histoire et la géographie, la poésie, la danse, la musique, même si cette vision idyllique est à nuancer, le climat de soumission prévalant avant tout.
Nasser al-Din Shah photographié avec 53 esclaves (Khawajas) eunuques, enfants de différentes origines ethniques, achetés au marché aux esclaves pour être conduits au harem du shah. Parmi eux, quatre garçons africains (qolam bachehha), palais du Golestan, à Téhéran (Iran) (années 1880).
Il n'y a pas de documents d'époque sur l'éveil sexuel. Mais on peut imaginer qu'une grande partie de cet apprentissage devait se faire dans les hammams, comme c'était le cas à l'extérieur. Les plus âgées transmettaient alors les codes de séduction, la façon de se tenir ou de se comporter pour plaire au sultan. Durant cette même période ottomane, il est dit que les amours féminines étaient tolérées, sans être avouées, car elles passaient pour une forme d'initiation.
Le harem est avant tout un lieu où résident les concubines officielles du seigneur, ainsi que les femmes qui ont été placées à son service (de gré ou de force). Elles ont pour tâche de lui donner des enfants pour les premières et de le divertir (musique, danse et sexe par les odalisques) pour les secondes. Y sont également élevés les enfants achetés au marché aux esclaves. Beaucoup de femmes étaient ambitieuses ou apprenaient à le devenir. L'une de leurs principales motivations était l'argent. Le sultan versait à chacune de ses concubines des sommes très importantes.
Le haremlik (Empire ottoman)
Le harem des sultans ottomans était une société presque autonome, organisée et hiérarchisée où pouvaient se tramer toutes sortes de complots. Le poison pouvait servir à éliminer une rivale ou à éliminer des prétendants à la succession et permettre à ses propres enfants de devenir à leur tour sultan.
Les jeunes femmes étaient toutes non musulmanes car sous le règne des Ottomans, il était interdit d'asservir une personne de cette confession. Elles venaient de Caucase ou de Russie. C'étaient des prisonnières de guerre ou des personnes qui avaient été vendues par leur famille à un marché aux esclaves.
Ces femmes étaient choisies pour leur beauté, mais aussi pour leurs capacités à divertir le sultan : elles devaient, par exemple, montrer des aptitudes au chant ou à la danse. Les Circassiennes, les Syriennes et les Nubiennes étaient les trois ethnies principales de femmes vendues comme esclaves sexuelles dans l'Empire ottoman. Décrites comme belles et à la peau claire, les Circassiennes étaient fréquemment envoyées par les chefs circassiens comme cadeaux aux Ottomans. Elles étaient les plus chères et les plus populaires parmi les Turcs. Les deuxièmes en popularité étaient les Syriennes aux yeux noirs, aux cheveux noirs et à la peau brun clair, qui venaient en grande partie des régions côtières de l'Anatolie. Les Nubiennes étaient les moins chères et les moins populaires.
Structure
Porte de la cage dorée de la salle de bain privée de la Sultane Validé (reine mère) à Topkapi. Elle seule possédait la clé et s'enfermait pendant son bain pour que personne ne puisse la tuer.
La Sultane Validé (valide signifie « mère » en turc), est la mère du sultan, donc se situe au sommet de la hiérarchie. Elle est exclue du harem à la mort de son fils. Un exemple célèbre est Kösem ou plus légendaire la créole Aimée du Buc de Rivery. Le nombre des épouses officielles du sultan est limité à quatre, selon la loi islamique.
La Baš Haseki ou Baš Kadin Efendi, la première épouse, est la mère de l’héritier du titre de sultan.
Les Haseki Sultan ou Kadin Efendi, mères d’héritier(s) présomptif(s) au titre de sultan. Elles sont recluses et ne peuvent pas se remarier à la mort du sultan. Elles sont exclues du harem si leur(s) fils meur(en)t.
Les Haseki Kadin, mères de filles. Elles peuvent se remarier à la mort du sultan.
Toutes les femmes étaient des esclaves, aucune n’était musulmane puisqu’une musulmane n'est pas censée être réduite en esclavage.
Les concubines (turc : hassodalik) ou les chanceuses (turc : ikbal). Si elles ont un enfant, elles peuvent devenir épouses.
Les remarquées (turc : gözde)
Les diplômées de l’école du harem
Baş Hazinedar Usta : la trésorière du harem est l'administratrice du budget ; elle a un pouvoir considérable dans l'organisation de la vie du harem.
Les élèves de l’école du harem. Elles y étudient la musique, le chant, la danse, la poésie et les arts de l’amour, le turc et le persan. La plupart sont destinées à épouser des officiers ou des fonctionnaires.
Les eunuques et les femmes de service.
Fonction politique
L'imagerie populaire occidentale a fait du harem ottoman un « lupanar des temps modernes ». En fait, le harem a une fonction politique très forte au sein de l’Empire ottoman à son apogée (XVe siècle-XVIIe siècle). On peut distinguer au moins deux périodes.
Avant Soliman le Magnifique, le harem est le cadre à la fonction de reproduction du sultanat essentielle à la pérennité de l'Empire. Les plus belles femmes de l'Empire (et d'ailleurs) y sont sélectionnées essentiellement par la mère du sultan afin de trouver une femme qui plaira à son fils, mais surtout assez intelligente pour pouvoir éduquer l’héritier de l’empire. Chaque femme choisie par le sultan parmi les dizaines de concubines ne peut avoir qu’un fils. Ensuite, le sultan ne peut plus la toucher, mais devra avoir d’autres concubines pour produire de nouveaux enfants mâles et protéger la dynastie. Les princes héritiers vivent aussi dans le harem. Au décès du sultan, l’aîné de ses fils survivants devait faire assassiner par strangulation ses demi-frères avec des cordelettes de soie. Sur l’autel de la raison d’État, de nombreuses passations de pouvoir se sont ainsi cruellement déroulées jusqu’au XVIIe siècle.
Durant le règne de Soliman, le rôle du harem devient beaucoup plus politique sous l’influence de son épouse Hürrem (Roxelane pour l’Occident) qui va donner plusieurs enfants mâles à Soliman. Hürrem va aussi transformer le harem en antichambre du pouvoir et l’utiliser pour imposer un « règne des femmes » qui durera plus d’un siècle et demi. La reine-mère y prendra un pouvoir comparable à l’influence d’une Marie de Médicis en France au même moment. Le harem devient alors un véritable État dans l’État où les fonctions les plus anodines comme le service du café devient un enjeu politique. Le nombre de concubines/servantes/chanteuses... passe à plus de 600 femmes. Certains successeurs de Soliman auront plus de vingt enfants de femmes différentes.
Le choix de la concubine
Beaucoup de femmes sont enlevées lors de razzias ou d'actes de piraterie par les corsaires ottomans. La concubine est supposée vierge à son arrivée.
De nombreuses femmes restent dans le harem par choix, espérant y « faire carrière ». Lorsqu'elles arrivent dans le harem, on leur donne un nouveau nom, souvent persan. La « liberté » est surveillée. Lorsque le sultan descend dans le harem, chacune des concubines cherche à le séduire. Le massage, la danse et la musique y sont essentiels.
Le rôle des eunuques
Surintendant du harem, responsable de la discipline dans le Harem, « Kihaia Cadena surveille tous les tueurs à gages » (1657)
La castration des esclaves musulmans étant interdite par l'islam, les eunuques sont importés des territoires non musulmans par la pratique de l'« impôt de sang » : ce sont souvent des Noirs (razziés principalement en Éthiopie et dans la région du Lac Tchad), afin que l’on soit sûr qu’aucun d’entre eux ne puisse engendrer un héritier du trône. Ils s'occupent de l'administration du harem. Quant aux eunuques blancs, tous non-musulmans (venant principalement du Caucase et de Bosnie), ils sont affectés à la garde de cette « prison dorée ».
Après castration par un chrétien copte d'Égypte, ils sont formés à leur rôle futur. Ils sont dirigés par le « Grand eunuque » gouvernant le harem : c'est le troisième personnage de l'État après le sultan et le grand vizir.
Ils ne sont supposés que veiller à la virginité et au maintien de l’ordre dans le harem. Mais après Soliman, ils vont avoir un rôle essentiel de messagers entre le royaume des femmes et le reste du palais. Ce sont les seuls qui puissent faire la navette entre les deux mondes. Le silence étant imposé dans le harem, ils communiquent par un langage des signes inventé par Soliman.
Ils doivent souvent faire preuve d’autorité pour séparer des femmes prêtes à s’entretuer pour sauver leur fils d’une mort certaine si leur frère devient sultan (cas d'Hurrem et de Mahidevran (la mère de Mustafa) qui manquèrent de s'entretuer). Ils se chargent de l'éducation de ces princes héritiers, leur apprennent un métier d'art (orfèvrerie, sculpture du bois) et mettent à leur disposition un harem de femmes stériles.
Le harem du palais de Topkapi
Le harem impérial (Harem-i Hümayûn) du palais de Topkapi érigé au XVe siècle à Istanbul occupait une des sections des appartements privés du sultan et contenait plus de 400 chambres. Le harem abritait la mère du sultan (la Valide Sultan), les concubines et les épouses du sultan, et le reste de sa famille y compris les enfants, et leurs serviteurs.
Le harem se compose d'une série de bâtiments et de structures, reliés par des couloirs et des cours. Chaque équipe de service et groupe hiérarchique résidant dans le harem avait son propre espace de vie regroupé autour d'une cour. Le nombre de salles n'est pas déterminé, avec probablement plus de 100, dont seules quelques-unes sont ouvertes au public. Ces appartements (daires) étaient occupés respectivement par les eunuques du harem, le chef eunuque du harem (Darüssaade Ağası), les concubines, la reine mère, les épouses du sultan, les princesses et les favorites. Il n'y avait pas d'intrusion au-delà des portes du harem, sauf pour le sultan, la reine mère, les époux et favoris du sultan, les princes et les concubines ainsi que les eunuques gardant le harem.
L'aile du harem n'est ajoutée qu'à la fin du XVIe siècle. La plupart des chambres et des éléments du harem sont conçus par Mimar Sinan (1490-1588), d'origine chrétienne, ancien du devşirme. La section du harem s'ouvre sur la deuxième cour (Divan Meydanı), à laquelle s'ouvre également la porte des voitures (Arabalar Kapısı). Les structures se développent au fil du temps vers le côté de la Corne d'Or et évoluent pour devenir un immense complexe. Les bâtiments ajoutés à ce complexe depuis sa date initiale de construction jusqu'au début du XIXe siècle capturent le développement stylistique de la conception et de la décoration des palais. Certaines parties du harem sont redécorées sous les sultans Mahmud I et Osman III dans un style baroque ottoman d'inspiration italienne. Ces décorations contrastent avec celles de l'époque classique ottomane.
À la suite de la conquête musulmane des Indes, les Rajputs, en particulier, utilisèrent une stratégie similaire d'enfermement des femmes dans des structures, pièces, partie d'habitation ou aile de palais, appelées zenana, dont la fonction était de soustraire les femmes, épouses, filles et sœurs à la convoitise des envahisseurs. On trouve ainsi un Zenana Mahal ou « palais de reines » à Udaipur (Rajasthan). À Jaipur, le Palais des vents permettait aux femmes de profiter du spectacle de la rue sans être vues.
En Espagne musulmane
Abd al-Rahman III aurait eu un des harems les plus importants. II a fait faire construire le palais-ville Madinat al-Zahra pour son épouse favorite. Le plus grand harem connu de l'Empire chérifien et le plus illustré était le harem du sultan Moulay Ismail (1645-1727).
Selon les écrits du diplomate français Dominique Busnot, le monarque alaouite n'entretient pas moins de 500 concubines, dont il a eu plusieurs centaines d'enfants. Un total de 868 enfants (525 fils et 343 filles) est mentionné en 1703, et il aurait eu son 700e fils en 1721, dépassant largement le millier d'enfants vers la fin de son règne — 1 042 selon le Livre Guinness des records, 1 171 selon deux chercheurs anthropologues de l'université de Vienne.
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