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TEXTES ET LOIS

La prostitution

La prostitution (du latin prostitutio) désigne une forme d'échange économico-sexuel : offre d'un service sexuel contre rémunération. Elle recouvre généralement un espace social hétérogène composé souvent d’individus issus de milieux modestes ou très modestes, parfois marginaux, qui trouvent dans cette activité un moyen d’existence et de subsistance. Elle est à 80 % exercée par des femmes. Les études sur la prostitution montrent que « l'immense majorité des clients de la prostitution sont des hommes ». En France, selon les chiffres de la proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées de 2013, 99 % des clients sont des hommes alors que 85 % des prostituées sont des femmes. En 2012, de 40 à 42 millions de personnes se prostituent dans le monde, neuf sur dix d'entre elles dépendent d'un proxénète et les trois quarts d'entre elles ont entre 13 et 25 ans. Le statut légal de la prostitution varie selon les pays et peut également être classé de l'illégalité aux activités légales professionnelles. En 2010, les revenus annuels de la prostitution sont estimés à plus de 187 milliards de dollars. Un à deux millions de femmes dans le monde sont vendues chaque année comme des objets sexuels pour la prostitution par des réseaux internationaux, la majeure partie venant de pays pauvres pour être exploitée notamment dans des pays riches.

D'un point de vue législatif, on peut distinguer trois conceptions de la prostitution, produisant trois approches politiques des États sur son exercice : le réglementarisme, l'abolitionnisme (et sa variante néoabolitionniste) et le prohibitionnisme. Qu’ils condamnent ou qu’ils administrent la prostitution, qu’ils fassent des personnes prostituées des coupables ou des victimes, ces régimes convergent néanmoins dans leurs enjeux et dans leurs effets quant à la définition de la prostitution comme un « problème public ».

La prostitution est régulièrement l'objet de vives controverses entre politiques et intellectuels qui sont en faveur d'une légalisation de l'activité et ceux qui sont partisans de son interdiction. De telles controverses ont notamment lieu au sein des mouvements féministes.

Histoire

Histoire de la prostitution en Occident

À Rome, comme ailleurs dans le bassin méditerranéen, ceux qui possèdent des esclaves peuvent en user à leur guise puisque l'esclave est une propriété privée. La femme esclave est d’ailleurs exclue du champ d’application des lois sur l’adultère : son compagnon ne peut l’accuser, que son amant soit le maître ou un tiers. Par ailleurs, les lois condamnant les maîtres qui prostituent leurs esclaves sont si peu efficaces qu’elles vont être souvent reproclamées du Ier au IVe siècle, de même que les lois assimilant à l’adultère les rapports sexuels entre la maîtresse et son esclave. Cependant, la prostitution reste florissante à Rome où elle se présente sous des formes multiples : les prostitués se trouvent en maison signalée par des bougies allumées pendant les heures d'ouverture, dans des auberges, dans des loges, ou dans la rue, devant les arcades (appelées fornix d'où le terme de fornication) comme devant la porte de leurs domiciles. Dans les maisons closes, le client peut échanger un type de jeton, appelé spintria, contre une faveur sexuelle spécifique. Très tôt, dès le IIe siècle av. J.-C., les prostitués sont inscrits sur un registre spécial et doivent être munis d’une licence d’exercice. Civilement, ils sont frappés d’indignité. Leur condition varie, des plus miséreuses, esclaves, aux courtisans et courtisanes de luxe dont les services se monnaient très cher. Les réseaux sont alimentés par le trafic d’esclaves alimenté par les guerres et la piraterie : à Délos, 10 000 esclaves sont vendus chaque jour, et dans l’empire ce sont des dizaines de milliers d’enfants et d’adolescents qui approvisionnent chaque année ce marché de la prostitution.

Les sociétés judéo-chrétiennes connaissent la condamnation prohibitionniste depuis les premiers temps du judaïsme. Cette interdiction s'est imposée dans l'Empire romain en parallèle de l'adoption du christianisme. Les mesures abolitionnistes, malgré leur inefficacité patente, sont maintenues jusqu'au XIIe siècle. À cette date, une relative période de tolérance commence, accompagnée d'une réglementation adaptée. Au XVIe siècle, à la suite des ravages de la syphilis venue du Nouveau Monde qui touche toutes les couches de la société, l’opprobre sur la sexualité hors des liens du mariage réapparaît fortement dans toute l'Europe. Le XIXe siècle voit l’émergence d’une certaine tolérance étatique et d’un encadrement juridique et sanitaire. À la fin du XIXe siècle, avec les combats de Josephine Butler, l'abolitionnisme moderne naît en Grande-Bretagne victorienne.

La France, qui a été le pays d'origine du réglementarisme, change d'orientation en 1946 et adopte un régime abolitionniste, à la suite de la loi dite « Marthe Richard ». L'Italie suit en 1958 avec la loi dite « Merlin ».

La philosophe américaine Judith Butler affirme que « toute féministe digne de ce nom devrait s'occuper de la syndicalisation des prostituées » et regrette que les positions abolitionnistes et prohibitionnistes privent « de la capacité de consentir ». À l'inverse, la juriste Catharine MacKinnon affirme que « Judith Butler et les autres sont seulement des voix pour une certaine forme de misogynie et de déni » et soutient un lien entre prostitution, pornographie et violence faite aux femmes. En France un débat similaire oppose notamment Élisabeth Badinter à Sylviane Agacinski.

Propositions françaises de loi visant à pénaliser les clients de la prostitution

Le 7 décembre 2011 est déposée en France une proposition de loi visant à pénaliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme. La pénalisation des clients — via l'instauration d'un « délit général de recours à la prostitution » — fait l'objet d'un débat passionné.

Selon certains, cette proposition aurait pour effet d'interdire aux personnes prostituées d'exercer, dans certains cas, un métier librement choisi ; pour d'autres, cette pénalisation est en revanche considérée comme le seul moyen de mettre un réel terme au proxénétisme. Ce débat semble ouvrir une possible troisième voie de type suisse vers le réglementarisme.

Une nouvelle proposition de loi similaire est déposée le 10 octobre 2013 par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale, suscitant également de vifs débats. Elle est adoptée à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013, puis modifiée au Sénat, qui supprime l'article relatif à la pénalisation des clients, soulignant les « effets délétères » qu'une telle mesure pourrait engendrer, et rétabli le délit de racolage. Le texte est adopté en lecture définitive en avril 2016 par l'Assemblée nationale selon sa version2, la seconde lecture n'ayant pas permis de trouver un accord avec le Sénat.

Données clés

Proposition de loi visant à responsabiliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme

Les députés se prononcent le 6 décembre 2011 en faveur d'une résolution réaffirmant « la position abolitionniste » de la France en matière de prostitution. Un premier pas vers la pénalisation des clients de prostitué(e)s. Cette résolution fait l'objet d'un rare consensus entre droite et gauche à l'Assemblée nationale. Cette résolution est présentée par tous les présidents de groupes politiques à l'Assemblée nationale.

Une proposition de loi no 4057 est enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2011. Par opposition au projet de loi, qui est une initiative législative provenant du gouvernement, une proposition de loi émane d'un parlementaire. Elle est présentée par Danielle Bousquet et par Guy Geoffroy. Elle vise à responsabiliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme. Elle est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.

Il faut rappeler que lors du dépôt de la loi, en France, une relation tarifée avec un(e) prostitué(e) était tolérée à la condition que l'on soit hors du champ du proxénétisme et que le ou la prostitué(e) soit majeur(e) civilement, c'est-à-dire ait 18 ans ou plus. À la même époque, en France, avoir une relation tarifée avec un(e) prostitué(e) de moins de 18 ans est illégal et passible d'amende et de prison par le code pénal. La peine est par ailleurs très fortement aggravée (10 ans de prison et 200 000 € d'amende) s'il s'agit d'un(e) mineur(e) sexuel, c'est-à-dire d'une personne prostituée qui a moins de 15 ans.

« Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende »

— Code pénal français

Cette proposition de loi a pour but de pénaliser les clients des prostitué(e)s de 18 ans ou plus.

Exposé des motifs de la proposition de loi de décembre 2011

L'exposé des motifs présenté aux députés est le suivant :

« Le 13 avril 2011, la mission d’information sur la prostitution en France rendait public son rapport intitulé « Prostitution : l’exigence de responsabilité. Pour en finir avec le plus vieux métier du monde ». Avec plus de 200 personnes entendues, dont une quinzaine de personnes prostituées, et six déplacements effectués, la mission d’information a dressé un bilan aussi complet que possible de la prostitution en France et des politiques publiques mises en œuvre en la matière. Analysant la prostitution au prisme des principes les plus fondamentaux de notre droit que sont la non patrimonialité et l’intégrité du corps humain ainsi que l’égalité entre les sexes, la mission d’information a formulé trente préconisations dont certaines sont de nature législative. La présente proposition de loi a pour ambition de les traduire dans notre droit.

Lors de la publication des conclusions de la mission d’information, une seule des trente préconisations a été retenue par la plupart des commentateurs (la « pénalisation des clients ») et un seul reproche lui a été adressé : cette proposition, fruit d’une pudibonderie exacerbée, marquerait la volonté de restaurer un ordre moral sexuel.

Cette critique semble étrange à quiconque sait que les clients ont été pour la première fois rendus passibles de sanctions en 1999, en Suède, pays pionnier en matière de libération sexuelle. Deux autres pays européens, la Norvège et l’Islande, l’ont récemment imitée dans cette démarche. Ces trois pays sont pourtant progressistes dans le domaine des questions de société. Par exemple, ils figurent tous parmi les sept États européens qui ont légalisé le mariage homosexuel.

Ceux qui luttent contre la responsabilisation des clients sur ce fondement se trompent donc de combat car, loin de se situer à l’avant-garde de la protection des libertés face à un État moralisateur, ils défendent un système dans lequel les hommes (qui constituent 99 % des clients) doivent avoir le droit de disposer quand ils le souhaitent du corps des femmes (qui forment plus de 85 % des personnes prostituées). Que les personnes prostituées soient étrangères, à près de 90 % pour ce qui est de la prostitution de rue, issues de pays où sévit la traite des êtres humains, ne les intéresse pas. Que la prostitution soit l’occasion de violences dont personne ne pourrait ressortir indemne ne les préoccupe pas davantage. Seule compte la liberté du client et la lutte contre le « moralisme ».

Pourtant, loin de tout moralisme, et encore plus de tout regard culpabilisateur, il s’agit simplement de rappeler les valeurs qui fondent notre République, au premier rang desquelles la non-patrimonialité du corps humain, la garantie de son intégrité et l’égalité entre les femmes et les hommes. Ces principes n’ont pas attendu notre réflexion sur la prostitution pour être proclamés. C’est au sortir de la Seconde Guerre mondiale que les démocraties ont montré leur attachement à ces valeurs. Le préambule de la Constitution de 1946 proclame l’égalité entre les femmes et les hommes et garantit, sur le fondement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le respect de la dignité de la personne humaine. Le 2 décembre 1949, une convention approuvée par l’Assemblée générale des Nations unies établissait que « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ».

Il nous semble que ces principes ont pour vocation de protéger les plus vulnérables. Si la vente de ses propres organes est interdite, c’est parce que l’autoriser reviendrait à favoriser toutes sortes de pressions poussant les plus démunis à céder leur rein ou leur cornée contre rémunération. C’est pourquoi l’achat d’organes est un délit pénal, quand bien même la personne qui les vend serait volontaire et revendiquerait cette liberté.

C’est donc bien sur le fondement de ces valeurs que la présente proposition de loi entend responsabiliser les clients de la prostitution, améliorer la protection des victimes de la traite et du proxénétisme et encourager la lutte contre ces deux formes de criminalité.

Le chapitre premier vise à responsabiliser les clients de la prostitution en créant un délit général de recours à la prostitution.

L’article 1er procède à la création d’un tel délit. Ne constituent actuellement des infractions pénales que le fait d’avoir recours à la prostitution d’un mineur ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité. Ces deux infractions seraient conservées pour devenir des circonstances aggravantes du délit de recours à la prostitution, lequel serait puni d’une peine de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Ce délit général ne serait pas rendu applicable, au moins dans un premier temps, pour le recours à la prostitution qui serait effectué à l’étranger, en raison des difficultés de preuves qui se poseraient.

Le I de l’article 2 crée une nouvelle peine complémentaire visant à sanctionner le recours à la prostitution. Sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière ou aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, serait créé un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution. Ce stage, qui pourrait être organisé par des associations agréées, aurait pour objectifs d’apporter aux clients une information sur les conditions de vie et d’exercice des personnes prostituées ainsi que sur la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et le proxénétisme. Il aurait également pour vocation d’expliciter les liens existants entre prostitution et inégalité de genre et la responsabilité des clients dans la perpétuation du système prostitutionnel. Pourraient notamment intervenir au cours de ces stages des personnes prostituées ou anciennement prostituées. Le II de l’article 2 fait de cette nouvelle peine une mesure susceptible de constituer une alternative aux poursuites et d’être prononcée dans le cadre d’une composition pénale. Il rend également applicable la procédure de l’ordonnance pénale pour sanctionner le recours à la prostitution d’autrui lorsque cette infraction n’est pas aggravée… »

— Danielle Bousquet et par Guy Geoffroy, Proposition de loi n° 4057 enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2011

Proposition de modification de la loi créant un délit général de recours à la prostitution

La proposition de modification de loi concernant la pénalisation des clients de la prostitution ne se contente pas de pénaliser les clients, mais également de faire de la prévention de ces derniers en les obligeant à suivre un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution.

« Art. 225-12-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’autrui est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende lorsque les relations sexuelles sont sollicitées, acceptées ou obtenues de la part d’un mineur ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. »

— Proposition de loi n° 4057 enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2011

« Art. 225-20-1. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues à la section 2 bis du présent chapitre encourent également l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution, selon les modalités prévues à l’article 131-35-1. »

— Proposition de loi n° 4057 enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2011

Volonté du président de la République François Hollande et du gouvernement Ayrault de faire aboutir ces propositions de loi

François Hollande, président de la République française, favorable à la pénalisation des clients.

En mars 2012, le candidat à la présidence de la République François Hollande dit rejoindre les positions du Parti socialiste et se dit favorable à l'ouverture d'un débat sur la pénalisation des clients :

« C’est un débat très difficile car il oppose des personnes dont les convictions sont également respectables. En la matière, chacun doit respecter les convictions de l’autre et j’ai, moi aussi, les miennes, qui rejoignent celles du Parti socialiste. Il faut commencer par rappeler que l’abolitionnisme est un terme qui visait, initialement, l’abolition des maisons closes. Ce terme est resté, mais aujourd’hui, derrière le terme « abolitionnisme », il y a pour la plupart des associations l’idée de prévention et de réduction de la prostitution, qui est la mienne. Il ne faut donc pas confondre abolitionnisme et prohibitionnisme. S’agissant de la pénalisation des clients, j’entends les arguments de ceux qui redoutent les conséquences de ces dispositifs en termes de précarité et de santé pour les personnes prostituées. Je pense que la réflexion doit être ouverte, avec pour objectif d’améliorer la situation des personnes prostituées. L’idée de pénaliser les clients n’est pas de tomber dans une politique répressive, mais dans une logique de droits humains, qui était celle de la France jusqu’à la loi pour la sécurité intérieure portée par Nicolas Sarkozy en 2003. Chacun a bien sûr le droit de disposer librement de son corps, mais le fait qu’un client ait le droit de disposer librement du corps d’une autre personne parce qu’il a payé, dans les textes internationaux, est une atteinte aux droits humains. C’est dans cette logique qu’il convient de débattre de la pénalisation de ceux qui portent atteinte à ces droits humains. En réalité, ce qui nuit le plus à l’accès aux soins des personnes prostituées, aujourd’hui, c’est le délit de racolage passif instauré par Nicolas Sarkozy. Il faut supprimer ce délit, qui conduit à repousser la prostitution dans des zones peu accessibles pour les associations et, in fine, se traduit par un moindre accès aux soins et aux services sociaux pour les personnes prostituées. »

— François Hollande - Interview de Seronet - 19 mars 2012

Dans un entretien au Journal du dimanche en juin 2012, la ministre des Droits des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a rappelé la position du gouvernement Ayrault en matière de prostitution :

« La question n'est pas de savoir si nous voulons abolir la prostitution — la réponse est oui — mais de nous donner les moyens de le faire », a déclaré la porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des Femmes, qui a rappelé qu'une résolution adoptée par le Parlement avec le soutien de tous les partis préconisait la pénalisation des clients. »

— Najat Vallaud-Belkacem - Journal du Dimanche - Juin 2012

Le 10 octobre 2013, Marie-George Buffet, Huguette Bello et d'autres députés communistes déposent une nouvelle proposition de loi no 1436 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Le même jour, Bruno Le Roux et Maud Olivier et d'autres députés notamment socialistes déposent également une nouvelle proposition de loi no 1437 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, Maud Olivier est le rapporteur du texte qui devrait être débattu le 25 novembre 2013. Les grandes lignes de ces deux propositions de loi sont similaires à celle de 2011 puisqu'elles visent à pénaliser les clients des prostituées en leur infligeant une amende allant jusqu'à 1 500 euros. Les textes sur la pénalisation des clients des propositions de loi no 1436 et no 1437 sont identiques.

« Le chapitre IV instaure une interdiction d’achat d’acte sexuel en créant une contravention sanctionnant le recours à la prostitution.

L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel nous permet de mettre en cohérence notre droit avec notre conception de la prostitution. La France a ratifié les traités internationaux reconnaissant la prostitution comme une violence. Depuis 2002, le recours à la prostitution de mineur ou de personne présentant une particulière vulnérabilité est un délit. Sanctionner l’acte de recours à la prostitution, c’est se placer dans la continuité des législations ayant criminalisé le viol et fait du harcèlement sexuel une infraction correctionnelle : l’objectif est toujours de soustraire la sexualité à la violence et à la domination masculine.

L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel est à ce jour la mesure la plus efficace pour réduire la prostitution, et pour dissuader les réseaux de traite et de proxénétisme de s’implanter sur les territoires. C’est le bilan que la Suède tire de la mise en œuvre d’une telle législation depuis 1999. La Finlande, la Norvège et l’Islande l’ont suivie dans cette voie. L’interdiction de l’achat d’acte sexuel permet également de faire évoluer les représentations et les comportements.

L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel est également la solution la plus protectrice pour les personnes qui resteront dans la prostitution. En inversant le rapport de force à l’œuvre avec les clients de la prostitution, l’interdiction de l’achat d’un acte sexuel permettra aux personnes prostituées de dénoncer les violences ou risques sanitaires (acte sexuel sans préservatif, etc.) qu’ils peuvent leur imposer.

L’article 16 procède à la création d’une contravention de cinquième classe sanctionnant le recours à la prostitution d’une personne majeure. Ces faits seront ainsi punis d’une amende de 1 500 euros. Le texte prévoit la récidive contraventionnelle de ces faits, qui seront alors puni de 3 000 euros.

L’infraction existante en ce domaine, qui concerne le fait d’avoir recours à la prostitution d’un mineur et/ou d’une personne présentant une particulière vulnérabilité, est conservée pour devenir des circonstances aggravantes du délit de recours à la prostitution. La progressivité de ce dispositif pénal tend à accompagner un changement important de la société française en interdisant la violence que constitue l’achat d’un acte sexuel.

L’article 17 crée une peine complémentaire visant à sanctionner le recours à la prostitution. Est créé un stage de sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution, sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière ou aux dangers de l’usage des produits stupéfiants. Ce stage pourra avoir lieu auprès d’associations agréées, et aura pour objectif de faire connaître aux clients de la prostitution les conditions de vie et d’exercice de la prostitution, ainsi que la réalité du phénomène de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et du proxénétisme.

Le II fait de cette nouvelle peine une mesure susceptible de constituer une alternative aux poursuites et d’être prononcée dans le cadre d’une composition pénale. »

— Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel n° 1436 présentée par de nombreux députés du parti communiste et enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013. Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel n° 1437 présentée par de nombreux députés et enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

Selon un sondage commandité par le ministère du droit des femmes, moins d'un Français sur quatre est favorable à une telle incrimination des clients des prostituées.

La loi est adoptée à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013, et a été modifiée en mars 2015 au Sénat qui a supprimé l'article relatif à la pénalisation des clients, soulignant les « effets délétères » qu'une telle mesure pourrait engendrer, et rétabli le délit de racolage. Le texte doit être examiné à nouveau par l'Assemblée nationale avant de revenir en seconde lecture au Sénat.

En juin 2015, l'Assemblée nationale revient à la proposition initiale sans tenir compte des modifications du Sénat et vote la pénalisation des clients de prostituées ; le texte est renvoyé au Sénat.

Origine des propositions de loi

La proposition de loi de 2011 fait son apparition dans un contexte ou plusieurs conceptions de la prostitution s'affrontent. Par ailleurs, elle fait son apparition dans un contexte difficile pour les prostitué(e)s en France et une forte mobilisation des associations abolitionnistes. Il en est de même pour les deux nouvelles propositions de loi d'octobre 2013.

Conceptions de la prostitution

Cette proposition de loi s'inscrit clairement parmi ces trois conceptions, dans celle abolitionniste.

On peut distinguer globalement trois conceptions de la prostitution, produisant trois approches politiques des États sur l'existence de la prostitution.

L’approche réglementariste voit la prostitution comme une activité professionnelle normale.

Il suffit de la réglementer et de la réguler comme toutes les autres, et de l'encadrer en protégeant les droits des travailleurs et en prévenant les abus des employeurs. Les prostitué(e)s sont considéré(e)s comme des travailleurs du sexe.

La réglementation s'est souvent faite par le biais de lois et de registres de personnes prostituées. Aujourd'hui, les résultats les plus aboutis de la logique réglementariste se trouvent dans les législations des Pays-Bas et de l'Allemagne. Dans ces deux pays toutes les entreprises de quinze employés et plus, y compris les bordels, doivent obligatoirement « avoir à l'emploi » des apprentis sous peine de pénalités financières. D'autres pays, comme la Turquie, la Tunisie, la Suisse, la Hongrie, la Grèce et l'Autriche, ont également légalisé la prostitution.

Pour les abolitionnistes, la prostitution est une forme d'exploitation et une atteinte à la dignité humaine qui doit être abolie.

Les personnes prostituées sont des victimes non-punissables et les proxénètes des criminels. Les pays abolitionnistes refusent toute réglementation, laquelle ne peut que cautionner l'existence de la prostitution.

Les néo-abolitionnistes sont les pays qui pénalisent les clients des personnes prostituées, mais pas ces dernières. Dans de nombreux cas, des mesures d'accompagnement à des alternatives à la prostitution sont prévues. Ces pays sont la Suède (1999), la Norvège (2008) et l'Islande (2009), c'est-à-dire qu'en Suède, en Norvège et en Islande les clients sont punis par la loi mais pas les prostitué(e)s. En Finlande, la loi prévoit depuis 2006 une peine de six mois de prison pour les clients des prostitué(e)s « victimes du proxénétisme ou du trafic d'êtres humains ». Les clients peuvent être sanctionnés au titre de corrupteurs.

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