Les bateaux dans des cartes postales du début du 20 ème siecle

La soupe à bord d'un bateau de pêche à Trouville sur Mer Au retour de la marée, c’était au tour des femmes, les débarkœz (celles qui débarquaient la marée) d’entrer en scène. Bien sûr, on ne prévoyait pas l’heure de rentrée au port comme aujourd’hui puisqu’il ne fallait compter que sur les voiles et les rames. Ceux qui arrivaient avec le flot étaient avantagés. Ils allaient retirer un numéro qui correspondait à la place qu’ils occuperaient pour la vente à la criée. Pour ceux qui avaient manqué la rentrée, il fallait rester au bout de la jetée et batler (aller et venir du bateau au lieu de vente du poisson) : la pêche était transportée par des matelots et des aides dans des camions (chariot bas à quatre roues).
Il n’était pas rare d’entendre, avant même qu’un bateau soit à quai, un mareyeur crier au patron d’un équipage : as-tu keukchos’, j’te pren ta marée ! (as-tu quelque chose, je te prends ta marée !). La marée désignant ici le produit de la pêche réalisée pendant la sortie. Pour parler d’une bonne marée, on disait : ça a été, et d’une très bonne marée : on a fait l’coup ; et avant la guerre de 1940 : on a fait 1005, c’est-à-dire plus de 1000 anciens francs, ce qui était un bon prix. Mais on disait plus souvent c’est tout court ou on s’est torché parce que la marée était moyenne ou mauvaise.
Les mareyeurs étaient de gros marchands qui venaient de Saint-Pierre sur Dives, de Falaise, de Trun, et même de plus loin. Ils arrivaient le soir en voiture à cheval, couchaient dans les hôtels de la rue du Commerce (actuelle rue de Verdun : on peut dire que cette rue-là portait bien son nom car tout laisse à penser qu’il s’y pratiquait toutes sortes de commerces). Le lendemain matin, tout le monde allait à la criée, qui pouvait durer jusque vers midi. Les comptes de la vente du poisson étaient vite faits. Avant toute autre chose, l’armateur prenait la moitié du bénéfice brut. Ensuite, sur la moitié qui restait, il fallait que l’équipage paie les frais, à savoir : les chandelles, les allumettes, le sel, et tout ce qui était nécessaire au bateau. Alors, il restait à faire le partage, en comptant une part et demi pour le patron. Et là encore, nous retrouvions quelques grand-mères enveloppées dans un grand tablier dont les coins remontés dans la ceinture formaient une poche. Dans ce tablier, elles portaient les lots de poissons jusqu’aux voitures des mareyeurs pour juste un ou deux sous : Bien maigre salaire qui dépendait d’ailleurs du prix de la marchandise. Alors, dans les rakwins (recoins) de son tablier ou de sa robe, la pauvresse glissait quelquefois un ou deux poissons, et en rentrant à la maison, elle disait : « Tiens, v’la s’ke jé pu ragoter » (rabioter).

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