La rédaction pour le Web
On peut considérer que la rédaction destiné à être lu sur une page Web est différente de la rédaction sur un autre support.
Il y a donc une spécificité du langage sur Internet soumit à des contraintes de style et de règle. Ce texte présenté ici et dont
à l'origine, le sujet concernait le Minitel a été retravailler pour s'adapter aux lois d'Internet. Publié dans les années 90,
ce texte extrait du "Guide de la télématique" par Béatrice Gurrey et Laurent Miguet est un bref aperçu pour tous ceux qui souhaite
écrire sur le média multiforme que représente Internet.
La rédaction sur écran pose-t-elles des problèmes spécifiques ? On a trop rapidement parlé de « nouveau média » de la nécessité
d’inventer une nouvelle écriture, pour que la réflexion ne s’arrête pas quelques instants sur les termes du débat.
Dans son mémoire sur l’informatique et les journalistes, Annick Gardies résume bien la situation. Premier constat ; une rivalité
de fait s’est installée entre le support informatique et le support écrit car l’écrit et le web utilisent tous les deux le même
outil : « les mots et leur magie » Bien entendu, un genre serait noble, l’autre pas. Quelle est l’argumentaire de cette querelle
« d’anciens et de modernes » - Version contemporaine et mineure ? Du côté des « sceptiques et des hostiles » On énonce pèle- mêle
les griefs suivants : « Banalisation du vocabulaire, appauvrissement du contenu, élimination du style personnel d’où frustration,
travail automatique de récriture de dépêches, qui conduit à une segmentation du contenu ». Bref selon une formule connue on a
affaire sur le web à un sous-langage qui finit par s’adresser à des « sous-pensants ». Du côté des adeptes, la rédaction sur écran
représente un exercice qui devient symbole de rigueur. Foin du délayage, le web rédacteur s’adonne à un « exercice fructueux,
quoique difficile ».
Aucun de ces arguments n’est négligeable. Mais on ne peut plus se contenter d’une alternative aussi manichéenne et généraliste.
Le web a suffisamment évolué pour qu’une évidence apparaisse : pour répondre aux problèmes que pose la rédaction sur écran, il
faudrait édicter des règles propres à chaque type d’information. Travail énorme et illusoire eu regard à son caractère transitoire.
Il s’agirait d’ailleurs plus de « principes de communication » que de règles de rédaction.
On ne peut pas parler d’écriture spécifique et unanimement reconnue pour ce type de support. La plupart du temps lorsqu’on dit
« écriture » on parle en fait de mise en page, de mise en forme, de mise en écran, toutefois les deux aspects sont intimement liés.
Si l’on persiste à s’attacher à la rédaction proprement dite, le débat n’apparait pas en noir et blanc : le beau et le vrai sur
papier, le réducteur et le laid sur écran. Admettons une petite provocation…, l’écriture télématique n’existe pas : certains
rédacteurs savaient écrire avant l’écran, ils savent toujours après.
Pour les autres, l’arrivée d’Internet ne change pas grand-chose, ou plutôt on pourrait dire que si l’écriture Informatique existe,
elle n’obéit qu’à une exacerbation des règles de base du journalisme. Il n’y a donc pas grand-chose à inventer sur l’écriture
elle-même mais plutôt sur les formes de la communication.
Pour résumer disons que le problème existe mais qu’il est mal posé. Il ne peut être résolu que partiellement par des règles
adaptés à l’essentiel du journalisme « classique ».
Les contraintes propres au support
L’affichage
Parmi les contraintes liées au support, il faut compter ce qui est particulier à l’écran. Très rapidement, en voici l’énumération
en fonction du mode d’affichage.
Vertical
Ce mode d’affichage n’offre aucune véritable commodité de lecture puisque le support ne peut être manipulé en tous sens comme un
journal. C’est le lecteur qui adapte sa vue et sa posture à un terminal statique.
Lumineux
La luminosité de l’écran constitue l’un des principaux facteurs de fatigue visuelle par rapport à l’écrit (la plupart des
utilisateurs ignorant d’ailleurs qu’ils peuvent régler l’intensité lumineuse de l’écran)
Mobile
Qu’il s’agisse d’un affichage classique, du haut vers le bas et de gauche à droite ou d’un affichage dynamique, l’œil n’effectue
pas le même travail que devant une série de ligne immobile. De plus, le lecteur subit une sorte de mini « trou noir » entre
chaque écran puisque l’un s’efface (au moins partiellement) pour céder la place au suivant.
Constats et propositions
Comme il a été dit plus haut, les propositions ci-dessous ne prétendent pas apporter de révolution mais simplement mettre en
lumière quelques règles de base : règles sur lesquelles se fonde la communication journalistique classique et qui prennent sur
Internet une évidence particulière.
La loi des deux F
Fond et forme : habituellement seulement imbriqué, ils sont sur Internet indissociables. Loi essentielle en ce qui concerne le
mode d’accès à l’information et la mise en page, le mariage étroit du fond et de la forme s’applique aussi à la rédaction. Quel
que soit l’intérêt d’un message s’il n’est pas calibré pour l’écran, il ne passera pas. Les contraintes de lecture imposent une
dictature bien plus grande que sur tout autre support.
Deux excès deux écueils
Le trop et le trop peu : le discours fleuve et le style télégraphique. Le sort du discours fleuve se règle rapidement car l’écran
ne peut décidément pas servir de support à la littérature. Nul ne songe sauf à de rares exceptions près, à retranscrire le papier
sur l’écran,. On a pu voir quelques essais de reproduction d’un éditorial de presse mais ces expériences ont été rapidement
abandonnées. La capacité quantitative de l’écran règle tout de suite la question. Pour être tout à fait clair et définitif :
Retranscription = mauvais produit !
Le deuxième excès à la peau dure : on a beaucoup lu et entendu que le style télégraphique était adapté à l’écran. C’est faux !
Ce style convient pour dire : « Robert mieux, retour annulé » Mais la langue française possède une syntaxe avec des sujets,
des verbes, des compléments qui ont aussi leur place sur l’écran. (…)
Ecrire pour son public
L’essentiel consiste à adapter sa langue à son public à soigner l’adéquation entre le fond de l’information et le style adopté.
On ne rédige pas de la même façon une rubrique de critique rock et un flash d’information. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut
être ennuyeux pour parler de la Bourse. Il faut simplement rencontrer son public et trouver un ton.
Les détracteurs de l’information sur écran ont souvent employé l’argument de l’uniformisation. Faux encore ! La télématique
permet au contraire une information très segmentée, à la carte, destinée à des publics différents. Un lecteur qui se trouve
devant son écran ne tient pas en main un produit global qu’il feuillette. Il va chercher, par une démarche volontaire, une
information qui s’insère dans une structure logique et hiérarchisée. Le problème du ton est évidemment très aigu dans les
applications de presse, mais il se pose également dans d’autres domaines : chaque produit doit trouver sa personnalité sous
peine de ne rencontrer personne (…).
La notion de message
Un écran doit contenir un message, ce message doit être utile. Ne perdons pas de vue que le lecteur accomplit une vraie démarche
de recherche pour trouver l’information sur son écran. L’erreur fondamentale serait de le renvoyer à un autre média ou à un
autre mode de renseignement sans donner d’information. Exemple bancaire courant : en tapant le choix « plan épargne », il arrive
que l’on obtienne une page qui dit en substance « Pour tout savoir sur la question consulter notre agence ».
Mettre les formes
Comme dans la presse écrite ou parlée, un certain nombre de règles s’imposent à quiconque veut atteindre la cible que
représente l’internaute.
Vocabulaire et syntaxe
Il ne faut faire ni trop long ni trop court. Certes. Trouver un ton mais encore ?
- Bien choisir son vocabulaire : c’est-à-dire comme dans le journalisme classique, préférer quand on le peut des mots
courts à des mots longs, des mots concrets à des mots abstraits, des mots usuels à des mots rares.
- Respecter la syntaxe : sans révérer systématiquement la structure sujet verbe complément, il faut garder à l’esprit que
les incises, les constructions inhabituelles ou compliqués, ralentissent la lecture et gêne la compréhension. La construction
de la phrase reflète l’articulation de la pensée. Les mots grammaticalement dépendants ne doivent pas être trop éloignés les
uns des autres.
Respect de l’orthographe
L’orthographe n’est pas un luxe d’intellectuel décadent. Elle indique l’origine d’un mot, elle représente aussi une convention,
un code, un ciment qui permet à tous d’écrire – et de comprendre – le même langage. Le laxisme débridé des messageries sur le
plan de l’orthographe, devrait pousser les fournisseurs de services à la rigueur, à une relecture vigilante. A long terme,
c’est une question de crédibilité.
Respect de la ponctuation
La ponctuation découpe le langage, lui donne un sens. Tout ce qui favorise la lisibilité doit être exploité au maximum sur
un écran, la ponctuation fait partie de ces éléments.